lundi 1 août 2011

Lettre à monsieur le ministre de la Pénurie


Tout d’abord monsieur le ministre pardonnez-moi de n’avoir pas préciser que cette lettre est « ouverte », le qualificatif m’aurait trop fait ressembler à ces pétasses qui ne créent leur blog que pour rédiger des lettres justement ouvertes à untel ou à untel, pour ceci ou pour cela et au final surtout pour leur propre publicité.

Non, ma missive à moi est sérieuse, monsieur le ministre. Titulaire du portefeuille de la Pénurie, je ne doute pas un instant de vos compétences économiques qui je s’en suis sûr me permettront de comprendre les graves dysfonctionnements de notre économie qu’on ne peut plus tolérer.

Comme le tunisien moyen, mon divertissement de prédilection tient dans ce parcours balisé mais néanmoins toujours aussi excitant qu’on appelle les courses en grande surface. Or, les derniers jours ont vu revenir le spectre affligeant, terrible et animalier de la pénurie, phénomène qui justifie votre maroquin mais qui hélas est une plaie pour le consommateur lambda mais assurément représentatif que je suis. Du lait, pas de lait. De l’eau, pas d’eau. Du sucre en poudre, que du sucre en morceaux.

L’arrivée même de bon matin me laisse face à l’alternative suivante : soit meugler contre l’absence des denrées susmentionnées dans les rayons, soit me diriger vers la réserve du magasin ( oui là-bas entre le fromage et les yaourts) pour attendre penaud que l’agent de sécurité ( oui le kaffef qui rapporte au directeur quand une caissière s’absente)-que l'agent de sécurité donc me tende un pack d’eau ou un pack de lait et ose avec ses collègues critiquer l’attitude des gentils consommateurs que nous sommes ( nous qui faisons la queue près de la réserve) en nous associant à des lahfistes bornés et égoïstes comme si lui ne s’était pas mis de côté son quota d’eau, de lait et de sucre.

Tout ceci, c’est la situation monsieur le ministre de la Pénurie. Moi, ce que je voudrais comprendre, c’est pourquoi la pénurie partielle de certains produits dits de première nécessité continue d’exister chez nous. Pour moi, le raisonnement économique suivant est imparable. si un produit manque, c’est qu’il est beaucoup demandé, si il est beaucoup demandé c’est que l’offre (en volume) est moins importante que la demande. Si l’offre ne répond pas adéquatement à la demande, il faut produire encore plus le produit qui est en déficit d’offre. Pour produire plus, il faut soi travailler plus, soit créer plus d’unités de productions et dans presque tous les cas avoir plus de personnel pour fabriquer le produit. Alors pourquoi y a t-il toujours autant de chômage en Tunisie ?


Je veux dire monsieur le ministre, suivez mon raisonnement, que l’existence même de la pénurie indique qu’il y a des poches de croissance virtuelle puisque le produit bénéficie d’une demande qui n’est pas satisfaite. Son absence est donc potentiellement la marque qu’au niveau de la chaine de production, il y a matière à augmenter les cadences de fabrication et donc à recruter des employés supplémentaires (agents de productions, contremaitres, suivi qualité).

Si on étend le raisonnement non plus seulement à un produit mais à plusieurs (comme ceux de la pénurie actuelle) on se dit qu’il y a là un gros marché de satisfaction des demandes d’emploi.
Même en admettant que je sois un lahfiste ( la demande intérieure en termes économiques), il n’y a il me semble aucune raison que les pénuries continuent ou reviennent régulièrement tout comme il n’y a aucune raison que le nombre de chômeurs ne cesse d’augmenter.

Comprenez-moi bien monsieur le ministre de la Pénurie – et je sais que vous en direz un mot au ministre des chômeurs- aussi loin que je me souvienne de ma relation à l’économie de mon pays ( années 80) il y a toujours eu du lait qui manque, du sucre qui manque et des produits qui tout à coup n’étaient plus disponibles dans les rayons des supermarchés ou chez les épiciers qui en profitaient pour faire de la vente conditionnée.
La Pénurie au final est-elle organisée exprès pour susciter la demande et augmenter les prix ? La pénurie en focalisant le citoyen sur la satisfaction des besoins alimentaires est-elle un moyen de brider ses aspirations politiques ? A-t-on besoin d’un chômage fort pour justifier les bas salaires ?

La situation de Pénurie de ce ramadan ne devrait-elle pas susciter une prise de conscience des carences des modes de production de nos entreprises ? N’y a-t-il pas une réflexion à mener sur les circuits de distribution ?
Merci de votre écoute monsieur le ministre. Je vous serais gré de me répondre dans les plus brefs délais.

1 commentaire :

Hsn a dit…

Vu qu'on peut pas virer les gens facilement, il est normal qu'on ne les recrutera pas pour une pointe pour les payer à ne rien faire pendant les creux.