jeudi 26 août 2010

Ramadan déniaise le prince charmant



Le prince charmant était heureux. Il était fait pour être charmant, elle était faite pour être adorée, il l’adorait, c’était charmant. Sans avoir jamais consommé quoi que ce soit de cette apparente passion, les deux ne se quittaient plus.

Au travail, ils étaient ensemble. Elle, concentrée sur sa tâche, lui concentré sur elle. Il lui envoyait des petits mots, guettait comme une sentinelle de camp son regard. Etendu et soyeux, ce regard le faisait se transporter de joie. Sec et sans ardeur, celui-ci le laissait triste et dépité pendant des heures. Il questionnait des yeux comme on demande sa route quand on est perdu.

Il avait mille attentions. L’idée d’un cadeau. Un petit poème à la crème. Sortis du travail, il la raccompagnait. Qu’elle habitat à plus de 20 kilomètres de chez lui ne l’ennuyait pas. Je vous l’ai dit, c’était un prince charmant et il était charmant.
Les princes charmants ne comptent pas, ne suent pas et ne se fatiguent pas. Les princes charmants accompagnent et se dévouent à leur belle, c’est leur fonction, leur meilleur rôle, leur raison d’être.

Se quitter était un drame, surtout pour lui. Il avait besoin qu’elle se manifeste. Ils avaient pris l’habitude de se faire un appel. Il attendait la sonnerie consolatrice qui voulait dire « je pense à toi », je n’ai pas changé ».


La sonnerie verdict qui décidait ou non si il allait être bien le reste de la soirée ou les journées de congés ou si il resterait abattu sur son lit en tournant 100 fois dans sa tête sa question brûlante et farouche : « Et si je l’appelais mais qu’elle ne réponde pas ? » ou « Peut-être que je vais la déranger ? ».
Les princes charmants prennent tout sur eux, ce sont des gladiateurs du cœur.

Et puis ramadan arriva. Avec son étalement des journées, l’apparition de manques, quelques colères rentrées et beaucoup de temps à penser. Il la voyait moins, elle rentrait plus tôt. Il la ramenait quand même, mais il pensait beaucoup. Je vais vous dire : un prince charmant qui pense, c’est un conte de fées qui part en sucette. Il rentrait et en rentrant, il se rappelait.

Il se rappelait qu’au travail, il n’y a que lui qui la regardait et qu’elle ne lui faisait l’aumône d’un regard que très rarement. Il se rappelait qu’elle avait toujours une excuse ou un argument pour qu’il ne participe pas aux discussions qu’elle avait avec ses amis.
Il se rappelait qu’elle avait souvent eu des regards complices et amusés avec l’un de ses amis et qu’il avait cru sentir comme une pointe d’ironie dans le regard qu’elle ne lui jetait pas alors mais qu’il sentait porté vers lui.

Le prince charmant délirait. Il débattait, pesant ce qui dans son esprit était de la pure interprétation morbide et une prise de conscience. Mais rien n’y faisait. Le jeûne lui fit convoquer ses souvenirs les plus anciens : une parole échangée par elle à propos de lui avec une autre et qui était terrible.

Des cadeaux jamais réciproques, son anniversaire oublié. Un sentiment aigu d’être une marionnette : viens, ne viens pas, accompagne-moi, non pas aujourd’hui, ne m’appelle pas, c’est moi qui appellerait.



Il sentit dégouliner le fard de son charme. Il sentit qu’il s’en voulait, qu’il avait perdu son temps, qu’il s’était inventé une mission chevaleresque dont le trophée n’était plus si beau que ça. Il avait fallu cette période d’abstinence pour que le prince charmant ouvre les yeux. Et plus il pensait et plus il se sentait moins fragile et moins soumis à un caprice ou à sa propre peur du désamour.

Le prince charmant ne s’était pas transformé en crapaud, il n’était plus niais.

1 commentaire :

Anonyme a dit…

J'espère que le prince charmant s'est remis de cette déception.